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Plonger sur le Walters Shoal!


Palier ©ExpéditionWaltersShoal IUCN/FFEM/MNHN/IRD/MEN - Alain Barrère

​​Plonger sur le Walters Shoal : promesse nimbée de brume, entre inédit et interdit, mélange d'excitation et d'appréhension, songe de merveilleux et d'aventure. L’expédition a permis de cristalliser ce rêve, et au réveil il en subsiste certes des images fortes mais aussi beaucoup de questions qui trouveront, pour certaines, des réponses une fois les données de campagne étudiées.

Les plongées s’enchaînent dans des conditions agréables avec une visibilité exceptionnelle (40m), une température finalement clémente (20°C en permanence), et des courants acceptables. Toutefois, le paysage n’est pas a la hauteur des rêves que nous avions nourris, il est très monotone car le sommet du Walters, à l'intérieur de l’isobathe 50m d'une immense superficie (~400 km2), s’étend à perte de vue sur des reliefs quasi imperceptibles.

Il abrite un biotope de coralligène, que n'agrémentent que quelques rares vasques ou canyons de sable détritique blanc, avec une macro-granulométrie faible, dont la surface est quasi-monopolisée par 3 groupes: les corallines (algues rouges calcaires), les crinoïdes, et les algues brunes. Pas de gorgones, pas de grandes éponges... sur ce mont exposé à tous les courants, à l'exception des crinoïdes, les grands filtreurs sont absents! Plus près du substrat, la micro-rugosité est plus prononcée, mais n'abrite que quelques spécimens de gastéropodes, plathelminthes, … de faible diversité et occurrence.

Si le coralligène est connu ailleurs, comme en Méditerranée, il est ici omniprésent, quels que soient la profondeur et les sites plongés. Nous n'y trouverons ni holothurie, ni anémone, un seul test d'oursin dont on vient à se demander par quel miracle il s'est trouvé en ces lieux. Quant aux poissons, il y a bien de temps à autres des papillons, chirurgiens, pterois, qui voisinent avec des petits serranidés et moult murènes, mais le foisonnement manque à l'appel.

Après 9 plongées entre 22 et 47 mètres, notre bilan fait état d'une quasi absence de variabilité des topologies et biocénoses observées. Certes les prélèvements de micro-faune par brossage et aspiration révèlent un peu plus de diversité, mais le constat global demeure: l'écosystème du Walters Shoal est 'pauvre' !

Maximiser le temps de collecte sur des profondeurs raisonnables mais néanmoins engagées impose aux plongeurs une attente aux paliers de décompression pour prévenir tout accident. Même avec l'assistance à bord du médecin et de l'opérateur caisson pour mettre en œuvre, le cas échéant, la chambre hyperbare spécialement installée sur le Marion Dufresne, et même équipés de Nitrox (mélange respiratoire enrichi en oxygène) pour les paliers, la prudence, dans ce contexte si éloigné des secours 'standards', nous a conduit à faire autant de paliers de décompression que si nous n'avions que de l'air; soit une longue attente dans le bleu avant un retour à la surface: temps privilégié d'observation de beautés planctoniques, déroutantes, fascinantes... qui invitent à la contemplation et à la quiétude. L'apparition, en ce moment de tranquillité, de requins, resserre très perceptiblement la palanquée et rehausse l'attention sur le comportement des squales: que ce soit une vingtaine de galapagensis, ou un seul longimanus, pourtant juste curieux et plutôt placides, le palier s'en ressent... sans véritable stress mais indéniablement un éveil plus aigu. Quant au festival offert par le banc de dauphins sur la dernière plongée, c'est là aussi, un moment magique et une exceptionnelle manière de dire au revoir au bleu du Walters Shoal.

Bien que Walters Shoal se soit révélé un peu décevant pour les personnes avides de biodiversité que nous sommes tous à bord, il interpelle. Quel est le fonctionnement de cet écosystème ? Quelle est la part d'espèces endémiques ? Quelles sont les vitesses de croissance des algues constructrices de récif ? Sur quelle épaisseur les concrétions se sont-elles accumulées et quels indices sur les paléoclimats recèlent-elles ? Quelle est la productivité locale et quels sont les facteurs la limitant ? Y-a-t-il une activité épisodique de pêche ? Cet atoll de coralligène soulève beaucoup de questions qui ne pourront trouver réponses qu'avec des études plus spécialisées.

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